środa, 23 listopada 2011

"TECZKA" NR 136/XI.2011.7/ NAPISALI DO NAS 2

Dr Thaddée-Jude GRZESIAK Rochefort le 18 novembre 2011
Président d’honneur du Kongres Polonii Francuskiej
et de la Maison de la Polonia de France
Président de France-Pologne Charente-Maritime
Membre de le Société Historique et Littéraire
Polonaise à Paris et de la Communauté Franco Polonaise
5 rue Anatole France 17300 Rochefort France
Tel : +33 (0)6.62.23.56.99 +33 (0)5.46.99.56.99
Courriel : tad.grzesiak@yahoo.fr
M. Jean LEBRUN
Producteur de l’émission « 2000 ans d’histoire »
Radio France
116 avenue du Président Kennedy
75 220 Paris cedex 16
Monsieur le producteur,
J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt l’émission intitulée « Résistances polonaises 1939 -1943 » que vous avez produite, le 12 octobre 2011, en invitant M. Georges BENSOUSSAN, du Mémorial de la Shoah.
Permettez-moi de vous dire que ceux de vos auditeurs issus de la communauté polonaise, comme les Français d’origine polonaise, ou s’intéressant à la Pologne, ont été interpellés par la présentation qui a été faite de la Résistance polonaise.
A/ « Résistances polonaises 1939 -1943 » :
Le titre de l’émission suscite des réserves, car centrée sur la liquidation du ghetto juif de Varsovie, l’émission n’a évoqué la Résistance polonaise que pour la critiquer et la relativiser.
« Résistance juive en Pologne 1939 -1943 » eût été une appellation plus conforme, car la période retenue : de 1939 à 1943, si elle permet d’évoquer l’anéantissement du ghetto, exclut la destruction de la ville de Varsovie, insurgée du 1er août au 2 octobre 1944, comme, bien entendu, tous les faits d’arme de la Résistance polonaise jusqu’à la fin de la II guerre mondiale, survenue le 8 mai 1945.
B / Thèses défendues par l’émission « Résistances polonaises 1939 -1943 » :
La communauté polonaise a été surprise par certaines thèses.
1/ M. Bensoussan dénie aux Polonais le mérite d’avoir été le seul pays non collaborationniste parmi tous ceux qu’occupa l’Allemagne, au motif que les Allemands avaient supprimé la Pologne c.q.f.d.
S’il y eut des administrateurs juifs, au sein même des ghettos, qui acceptèrent de collaborer avec les nazis pour atténuer les souffrances de leur nation ( comme Adam Czerniakow, président du Judenrat du ghetto de Varsovie, trompé, humilié, qui finira par se suicider, et dont la mémoire douloureuse mérite le respect.)
Il n’y eut pas d’administrateurs ou d’hommes politiques polonais collaborateurs.
Pourquoi ne pas reconnaître, tout simplement que les responsables politiques Polonais refusèrent de collaborer avec les Allemands ?
M. Bensoussan s’est-il posé la question de savoir si la suppression, pure et simple, de tout Etat Polonais, n’était pas due à la certitude des Allemands de ne trouver aucun collaborateur, certitude confortée par l’attitude intransigeante de la Pologne dans l’Entre-deux guerres à l’égard du nazisme ?
Cette attitude fut sévèrement critiquée à l’époque par des pays comme l’Angleterre, la France ou l’URSS qui firent preuve de plus de souplesse, soit à Munich, soit en signant le pacte Molotow-Ribbentrop.
En réalité, il y a bien eu des approches allemandes :
En 1939, avec Jozef Beck, Ministre de Affaires Etrangères polonaise, interné en Roumanie, par suite de l’attaque nazie.
En 1941, alors que l’Allemagne avait guerre presque gagnée « Deutschland siegt an allen Fronten », des discussions polono-allemandes eurent lieu à Budapest entre le colonel polonais Steifer, représentant de l’armée polonaise clandestine (Oboz Polski Walczacej) réfugiée en Hongrie, et commandée par le Maréchal Rydz-Smigly, avec un émissaire d’Hans Frank, gouverneur du General Gouvernement.
La même année, Léon Kozlowski, ancien premier ministre polonais, quitta l’Armée du général Anders, en formation en Russie, pour participer à Berlin à des pourparlers secrets.
Ces deux derniers furent condamnés par les autorités polonaises.
Un élément fondamental a également joué : l’existence d’un Etat clandestin en Pologne.
« Tajne Panstwo – l’Etat clandestin », tel était le titre d’un ouvrage célèbre de Jan Karski, publié par l’héroïque émissaire polonais en 1944.
Des tribunaux clandestins, reconnus par le gouvernement légal, en exil à Londres, ont jugé les criminels et traîtres à la nation, du début à la fin de la guerre.
Les sentences capitales étaient exécutées par des résistants mandatés par la justice polonaise.
Cette réalité a dû décourager toute tentative sérieuse de collaboration.
2/ La fracture entre Juifs et Polonais dans les années 1930, aggravée par la dérive autoritaire du gouvernement.
Cette période, allant de la renaissance de la Pologne - le 11 novembre 1918 – (après 123 années de disparition), au déclenchement de la II Guerre mondiale, fut celle
- Des menaces vitales sur les frontières : représentées à l’ouest par l’Allemagne nazie
et à l’est par la Russie soviétique (en 1920 l’invasion de l’Armée Rouge de Trotski fut stoppée in extremis sur la Vistule).
- De la crise mondiale de 1929, qui frappa plus durement une Pologne adolescente et rurale que les anciens Etats européens.
Il est faux de dire que le Maréchal Pilsudski, au pouvoir à cette époque, était hostile aux Juifs, et son oeuvre législative prouve le contraire.
Les Juifs avaient leurs représentants au Sejm-Assemblée nationale ( 10 députés sur 340), leurs tribunaux rabbiniques pour les affaires internes à leur communauté, leur langue : le yiddish (ou l’hébreu) reconnus comme langue maternelle par 85 % des Juifs, lors du recensement de 1931). Il n’est pas excessif de parler d’une autonomie culturelle.
Après sa mort, en 1935, dans un contexte de guerre imminente, de crise et de nationalismes exacerbés, la droite nationaliste, l’Endecja de Roman Dmowski, se distingua, sans parvenir au pouvoir, par un antisémitisme assumé, par le boycott des commerces juifs, par l’appui au numérus clausus universitaire, par la dénonciation des « profiteurs » juifs auprès des paysans des campagnes surpeuplées. Attiser la xénophobie, en ces temps troublés n’était guère difficile, la plupart des Juifs de l’Est ne parlant pas le polonais.
Il était facile, aussi, d’exacerber les tensions intercommunautaires, dues à de grandes différences d’intérêts politiques, économiques, religieux.
En Pologne les chiffres suivants témoignent de la place remarquable occupée par la communauté juive, qui ne représentait que 10 % de la population polonaise :
49 % des avocats et juristes étaient juifs,
46% des médecins
59% des commerçants
21% des industriels
27% des habitants de Varsovie étaient juifs, 33 % à Lodz, 30 % à Lwow et Wilno, 43 % à Bialystok.
Osons le dire, il y avait deux communautés vivant côte à côte, et en période de crise, cette excellence, provoqua, hélas, jalousie et xénophobie.
3/ « Le gouvernement polonais aurait fait pression sur Churchill pour qu’il ne parle pas des Juifs dans son hommage à la Pologne à la Pologne le 3 mai 1943 »
La communauté polonaise voudrait savoir sur quel document cette assertion se fonde.
Elle est contredite par l’action même du gouvernement polonais en exil à Londres, comme par d’innombrables prises de position en faveur de ses ressortissants d’origine juive.
A l’inverse il convient de souligner l’inaction, reconnue, des gouvernements anglais et américain en faveur des Juifs de Pologne.
Le 30 juillet 1941 le gouvernement polonais obtint, grâce à l’accord Sikorski-Majski, entre l’URSS et la Pologne, que tous les ressortissants polonais qui en faisaient la demande, de quelque confession qu’ils soient, fussent recueillis, soit par l’armée prosoviétique du général Berling, soit par l’armée du général Anders. Cette dernière regroupera 40 000 soldats et 30 000 civils en Russie. Dès leur arrivée en Palestine, en septembre 1943, 3 000 soldats polonais, d’origine juive, dont le caporal Menahem Begin, de la V division d’infanterie, déserteront pour rejoindre l’Irgoun, et lutter pour la création de l’Etat d’Israël.
Le général Anders comprit leurs motivations et refusa de les poursuivre pour désertion.
Le Conseil pour l’Aide aux Juifs, ( Zegota), organisé en automne 1942 par des Polonais catholiques, pour la plupart, reçut, tout au long de la guerre, une considérable aide financière de la part du Gouvernement polonais en exil : dont 29 millions de zlotys, soit plus de 5 millions de dollars, destinés à plusieurs milliers de familles juives à Varsovie, Lwow, Cracovie. (source Peter Dembowski « Des chrétiens dans le ghetto de Varsovie »)
Sans aide financière, sans le soutien de bienfaiteurs, les chances de survie hors des ghettos était illusoire.
En janvier 1942, le gouvernement polonais avait publié, à Londres, un livre intitulé « l’Ordre allemand », dont la 3éme partie exposait en détail la persécution des Juifs polonais.
Le 10 décembre 1942, le gouvernement polonais publia et diffusa un document exhaustif « l’Extermination systématique des Juifs en Pologne occupée », sans obtenir de réaction des gouvernements alliés.
Mieux, le 17 décembre 1942, les gouvernements alliés, pourtant dûment informés par Jan Karski, émissaire polonais revenu de Pologne après avoir visité le camp de la mort d’Izbica Lubelska et le ghetto de Varsovie où il rencontra les représentants de la communauté juive, renoncèrent à des actions spécifiques en faveur des juif, et à toute protestation mondiale pour « attendre la fin de la guerre afin de châtier les coupables de l’extermination ».
Jan Karski, fut reçu deux fois par Eden, dont le 5 février 1943, à cette occasion il sollicita une entrevue avec Winston Churchill, mais fut aimablement éconduit (p. 287-292 in « Karski, rapports d’un émissaire clandestin » Stanislaw Jankowski Rebis ed. Poznan 2009.)
Estimant avoir échoué dans sa mission de sauvetage de la communauté juive, malgré le soutien du gouvernement polonais à Londres, Samuel Zygielbojm, ressortissant polonais, membre du Bund et député auprès dudit gouvernement, se donnera la mort le 12 mai 1943, en laissant une lettre expliquant son geste par l’indifférence du monde face à l’extermination de ses frères.
Sa mort, faut-il le souligner, ne suscita aucun commentaire officiel de la part de la communauté juive d’Angleterre.
Proche de la date du « 3 mai », se situe la rupture des relations diplomatiques avec le gouvernement polonais de Londres, décidée par l’URSS le 26 avril 1943, par suite de la découverte des charniers de Katyn . Anthony Eden, Foreign Secretary, signifia d’ailleurs aux Polonais que l’Angleterre ne les soutiendrait pas dans cette affaire.
4/ La population polonaise n’aida les Juifs que pour des raisons intéressées.
Il est lassant de devoir sans cesse rappeler que la Pologne est le seul pays d’Europe où l’aide aux Juifs était punie de mort pour toute la famille hébergeant des Juifs, sur le champ, ou après interrogatoire. La vie ne comptait pas à l’Est ; il y eut des centaines d’Oradour sur Glane en Pologne, pour les motifs les plus divers.
Comme le rappelle Peter Dembowski dans son ouvrage « Des chrétiens dans le ghetto de Varsovie », si Anne Frank avait vécu en Pologne les deux hommes et les deux femmes responsables de son refuge seraient morts, tout comme elle et ses sept compagnons Juifs.
Heureusement, les deux Hollandaises, dénoncées pour avoir caché Anne Frank, ne furent même pas arrêtées (et purent ainsi sauver son manuscrit), tandis que les deux Hollandais au grand coeur s’en sortirent également, l’un en étant libéré, l’autre en s’évadant.
En considérant le chaos polonais de la guerre il n’est pas décent de reprocher aux Polonais hébergeant des Juifs, risquant leur vie en permanence, sur simple dénonciation, et ayant du mal à nourrir leur propre famille, de demander de l’argent aux Juifs hébergés, si ces derniers en avaient.
5/ La question des armes délivrées chichement aux combattants du ghetto.
Il serait intéressant de savoir quel était l’arsenal de l’Armée de l’Intérieur (AK), pour juger de sa capacité à livrer des armes au ghetto.
De plus l’AK, dont la stratégie était orientée vers la préparation de l’insurrection de Varsovie, qui éclatera le 1er août 1944, ne disposait que d’une quantité d’armes insuffisante pour armer ses propres combattants.
Il est impossible de nier la mauvaise volonté de certains dirigeants de l’AK, situés à droite de l’échiquier politique à l’égard de la Résistance juive bundiste (socialiste) et communiste.
Fallait-il livrer des armes et les voir perdre dans un combat sans issue ?
Ici, il convient d’aborder une question controversée :
Deux organisations de combat juives ont participé à l’insurrection du Ghetto
- la ZZW de « droite »
- la ZOB de « gauche »
Seule la ZOB, jusqu’à une date récente, a bénéficié de la bienveillance historiographique, tant en Occident, que dans la Pologne « Populaire», le rôle de la ZZW ayant été minoré ou occulté.
(Cf. le débat Marian Apfelbaum contra Marek Edelman – M. Apfelbaum dans « Retour sur le ghetto de Varsovie » soulignant le rôle méconnu de la ZZW).
Les griefs concernant la réticence de l’AK à collaborer, viennent essentiellement de la ZOB.
Les raisons de la réserve de l’AK ( anticommuniste) sont à chercher dans les contentieux politiques d’avant-guerre et dans l’implication des communistes juifs dans les trois grandes déportations des Polonais vivant en zone occupée soviétique vers la Sibérie, d’octobre 1939 à juin 1941, date de l’attaque allemande…..mais il est impossible de traiter ici ces questions.
Par contre l’organisation ZZW, composée de Juifs ayant été pour certains officiers de l’Armée polonaise, et donc plus « assimilés », disposait d’un armement bien supérieur, dont l’origine était à chercher dans leur réseau « polonais ».
Ce débat revient périodiquement comme l’interrogation concernant les Alliés :
Aurait-il fallu bombarder aussi les lignes de chemin de fer menant à Auschwitz et le camp lui-même, au lieu de ne bombarder que les usines d’armement et les gares de triage ?
6/ La société polonaise s’est enrichie du fait de l’élimination des Juifs.
Que les maîtres chanteurs et trafiquants les « szmalcowniki », se soient enrichis, que l’Allemagne ait pillé l’économie polonaise c’est l’évidence.
Que ce fut vrai pour la société polonaise, est une tout autre affaire. Car l’évidence est que le pays fut ruiné et pour longtemps.
A la libération, dans les villes dévastées, dans les ruines de Varsovie, presqu’entièrement détruite après son insurrection (août- octobre 1944), dans les campagnes affamées (30 % de la population ), il est vrai que, souvent, les occupants d’une cave, d’un hangar, ou d’un appartement, n’ont eu aucune envie de voir revenir le légitime propriétaire juif…
Mais, très vite, la guerre à peine finie, le nouveau pouvoir polonais a pris soin de la minorité juive. Installé par l’Armée Rouge, exclusivement composé de communistes ou de sympathisants, le nouveau régime comptait de nombreux Juifs, notamment à la tête de l’Etat : Hilary Minc, Jakub Berman, Zambrowski, Zachariasz, par exemple.
Le Comité central des Juifs de Pologne, ( CKZP) était une puissante organisation, représentant toutes les tendances de la communauté juive. En son sein la « Fraction – Frakcja », regroupait les Juifs communistes. Le CKZP quadrillait tout le pays, à tous les échelons : régional, départemental, municipal, et intervenait dans toutes les sphères de la vie juive. Il a aidé à la réinstallation des Juifs restés, ou revenus en Pologne, en les incitant à s’installer, prioritairement, en Silésie, territoire pris aux Allemands et dont la population venait d’être expulsée.
En conclusion :
La Résistance polonaise, la plus nombreuse, la plus efficace de toute l’Europe, celle qui a lutté plus longtemps qu’aucune autre : de septembre 1939 à mai 1945,
Celle, enfin, qui a connu le destin le plus tragique, car la Résistance non communiste, de loin majoritaire, et qui fut victime d’une sanglante répression communiste de 1945 à 1956, (date de l’amnistie décrétée par la République, dite populaire, de Pologne),
Cette Résistance n’a pas été traitée comme elle l’eût mérité.
La Pologne a été victime d’une présentation souvent à charge sans avoir la possibilité d’être défendue, ou comprise.
Certes la complexité des événements et l’émotion liée à l’Holocauste rendent toute objectivité illusoire, mais on peut être en droit d’exiger l’honnêteté des témoignages et la véracité des sources.
Si la possibilité était donnée à un historien de donner le point de vue polonais sur la Résistance polonaise, sur les ondes de France-Inter, justice serait rendue.
C’est dans cet espoir que je vous prie d’agréer, Monsieur le producteur, mes cordiales salutations,
Dr Thaddée Grzesiak.

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